Travail de deuil non fait... et transgénérationnel



Chaque partie de notre belle planète a composé ses propres rites réparateurs de séparation ou de deuil.

Selon les coutumes, il y a la veillée, les pleureuses, la toilette purificatrice, les couleurs de vêtements, les fleurs, les couronnes, les prières et les rites pour les adieux avec les cérémonies, les enterrements ou les crémations. 
Il y a le rituel des visites, les lettres de condoléances et de remerciements. Le repas où l'on parle du défunt à la suite de la cérémonie mortuaire. 
La période de deuil est également importante. Autrefois, elle durait tant, que d'un deuil à l'autre, les femmes étaient toujours habillées en noir. Même si ces rites sont moins pratiqués dans notre société occidentale, ils demeurent présents dans le reste du monde.
Malgré cela, il reste des deuils non faits qui se sont accumulés au fil des générations.

Tout changement est un stress qui nécessite une nouvelle adaptation. La période de deuil est un moment de grande fragilité, c'est pour cela qu'il est bénéfique de pratiquer le rite funéraire et d'exprimer sa souffrance plutôt que de refouler ses émotions et s'enfermer dans la solitude.

Lorsqu'un deuil a été "évité" ou non fait (pour cause d'empêchement), cette période d'enfermement perdure, la grande perte est ruminée et empêche de vivre. Il se forme une "carapace" émotionnelle.
Le deuil d'une personne aimée n'est jamais facile à faire mais ce travail permet de remplacer l'absence physique par la présence intérieure, celle qui permet de parler du défunt, de s'y référer, de dire son nom.
C'est aussi pour aider les vivants dans cette démarche que les rituels funéraires ont été créés.
Le deuil nous ramène à la peur de l'inconnu, à la peur de l'abandon, de l'oubli, à la culpabilité de "celui qui reste".

Un travail conscient du deuil ( Voir notre article sur le deuil. Voir l'article de Virginie Lefranc) permet d'exprimer, d'intégrer et de dépasser les émotions. Il permet d'affronter sa nouvelle vie et d'éviter des conséquences dramatiques pour soi-même et les personnes aimées qui sont encore là.

Lorsqu'un deuil n'est pas fait, il est tu...du verbe "taire"... et il tue à petit feu. Il tue l'harmonie familiale, le développement épanouissant de la descendance. Il devient un secret, un non-dit, un tabou.
Dans les civilisations anciennes, la mort était présente au même titre que la vie avec une représentation déifiée : Anubis chez les Égyptiens, Hadès chez les Grecs, Tezcatlipoca chez les Aztèques...
De nos jours, dans les civilisations occidentales, la mort est soit banalisée (avec les médias, les séries TV, les jeux de guerres en ligne...), soit ignorée. Il n'y a guère qu'à la campagne qu'on voit passer un corbillard avec le cortège à sa suite. Dans les villes, la discrétion est de mise excepté pour les enterrements de personnalités. Les enfants voient des centaines de morts à la télé sans savoir vraiment ce que cela signifie car, pour la plupart, ils n'en ont jamais vu dans la réalité.
C'est le paradoxe : la mort est banalisée et inconnue.

En analyse transgénérationnelle, on recherche ces deuils non faits et lourds à porter pour les descendants qui sont empreints de cette problématique.
Ils ne se sentent pas le droit de vivre pour eux-mêmes, ils s'habillent de couleur sombre, le plus souvent en noir, ils ne rient pas à gorge déployée.

Les enfants dont la conception suit le décès d'un frère ou d'une sœur sont appelés "des enfants de remplacement". La famille voudrait compenser le vide laissé et la souffrance qui suit le deuil par l'arrivée d'un autre enfant.
Mais lorsque ce nouvel enfant est là, il ne peut évidemment pas répondre à l'attente idéalisée de la famille.
En effet, comment peut-on imaginer que l'arrivée d'un nouvel enfant gomme comme par magie toutes les souffrances de la perte précédente ? Seule une grande souffrance peut occulter cette réalité.
Le deuil n'étant pas fait, les parents ne peuvent pas moralement et émotionnellement s'impliquer totalement dans l'arrivée du nouvel enfant. Il y a toujours un rappel conscient ou inconscient de celui qui devrait être là. L'enfant vivant enregistre tous ces non-dits, culpabilise de prendre la place de son frère ou de sa sœur, ne se sent pas vraiment l'autorisation d'exister et surtout ne se sent pas à la hauteur des attentes du clan. Il peut avoir une impression de rejet ou d'injustice voire de trahison.

Souvent, lors de deuils traumatisants comme la perte d'un enfant, les plaques de cimetière qui les identifient sont incomplètes. Le choc est tel que la seule date inscrite est celle du décès, celle qui a tout fait basculé. On en oubli d'inscrire que la personne est née et qu'elle a vécu. L'un des actes de réparation sera de mettre une plaque avec prénom, dates de naissance et de décès.
De la même manière qu'il conviendra de mettre une plaque souvenir sur le caveau familial pour les personnes dont le corps a disparu.

Même lorsque le deuil est fait, les besoins de chacun pour se souvenir positivement du défunt sont différents : un objet lui ayant appartenu, une chanson, un endroit, une plaque souvenir... Il est bon de respecter ce dont chacun a besoin pour aller bien et continuer à avancer.

Auteur : Pascale J.M.



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